Avril 2009. Je pars aux États-Unis pour suivre une formation au Controlled Remote Viewing (CRV) avec Paul H. Smith à Austin au Texas.
Le CRV est la méthode dite « militaire » du Remote Viewing.
J’attends ce moment depuis plusieurs mois. Tout d’abord parce que je vais retrouver le Texas, état que j’adore pour sa musique, ses paysages et ses faunes animale et humaine bigarrées. (J’ai eu la chance de vivre certains des moments majeurs de ma vie au Texas, et je ne peux que me dire qu’il en sera encore de même cette fois.) Ensuite parce que je me passionne pour le Remote Viewing depuis déjà quelques années et que j’en ai fait – à cette époque – une activité semi-professionnelle.
En effet, depuis 2007, avec un ami archéologue, je monte et dirige des projets d’archéologie intuitive au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique à Paris, l’IMI. Et je n’ai qu’une idée en tête désormais : me former au CRV pour entrer encore plus profondément dans les entrailles du RV, le connaître intimement, de l’intérieur, et en faire prochainement mon métier en créant une entreprise de conseil et de formation dans ce domaine.
La formation avec Paul est une étape importante avant ce changement de vie.
La formation avec Paul
Paul est un formateur en CRV hors pair. Il a été l’élève et le successeur d’Ingo Swann – le père du Remote Viewing et le cocréateur du CRV avec le physicien Hal Puthoff – et il est l’un des seuls à donner exactement la même formation que celle que Swann a conçue au début des années 1980, lors du fameux programme « Star Gate », pour les services de renseignements militaires américains.
Je suis donc sur le point de me former à la meilleure technique de RV qui soit, avec le meilleur formateur.
Notre rencontre est gravée dans ma mémoire.
J’attends, impatient, devant l’entrée de l’hôtel où la formation doit avoir lieu. Il fait soleil et déjà une vingtaine de degrés à l’ombre. Je vois Paul arriver, poussant un portique à roulettes, avec une tonne de documents posés dessus. L’homme est impressionnant de stature : une carrure toute en force et en muscles. Et aussi un regard vif, un humour et une joie de vivre qui se devinent immédiatement. En me voyant, Paul s’exclame « Mais tu es jeune ! Je te croyais plus âgé ! » J’ai 37 ans à ce moment-là et, étant directeur de l’IMI, Paul me croyait plutôt dans la cinquantaine. Je sens qu’on va bien s’amuser, et bien bosser ensemble.
Je me retrouve en face à face avec Paul pendant cinq jours. Le programme est chargé – 56 heures sur les cinq jours, j’ai compté ! – C’est intense, conséquent et exigeant. Et en tant qu’ancien militaire, Paul est d’une discipline de fer.
Ancien responsable du renseignement à Washington, Paul Smith est une véritable légende dans le milieu du Remote Viewing. Il a écrit le livre de référence sur « Star Gate », a servi 7 ans dans le programme et en est l’historien officiel. À l’époque il termine un doctorat en philosophie. Il parle anglais, allemand, arabe, hébreux, et a participé à la première guerre du Golfe.
Au fil des heures, je découvre en lui quelqu’un de très souriant, drôle – on rigole beaucoup pendant la formation – et d’extrêmement cultivé. En somme, Paul est un type très fun qui fait son job avec grand sérieux.
La session du jour 3
Lundi 20 avril 2009, nous en sommes au troisième jour de formation.
Nous travaillons sur la phase 3 du CRV. La phase 3 est celle des croquis, celle où l’on représente graphiquement la problématique « cible », ici un lieu, afin de la décrire dans ses caractéristiques spatiales (formes, dimensions…).
Paul a l’habitude de beaucoup interagir avec ses stagiaires pendant les sessions de Remote Viewing mais, personnellement, cela me perturbe et me stresse énormément, en fait. Je crois que c’est dû à la pression. Je dois réussir, sinon je devrai probablement dire adieu à l’idée de proposer des formations grand public dans l’entreprise que je compte créer avant la fin de l’année ! Alors je lui demande de ne pas me parler et de me laisser faire ma session, tranquillement, seul dans mon coin pour ainsi dire.
Je m’installe donc à un bout de la table. Paul à l’autre bout, où il se met à travailler sur son ordinateur à la modification de son site web.
Je pratique le RV depuis plusieurs années, avec parfois des vécus très forts. J’ai l’habitude des aspects scientifiques, de gérer des projets, de voir des gens pratiquer et de les accompagner, d’analyser leurs productions pour du consulting. Mais cette session est unique pour moi, car – pour la première fois de ma vie – j’atteins un état d’hyperconscience. C’est-à-dire l’état de pleine conscience du lieu cible tout en ayant conscience de moi-même en train d’explorer intuitivement ce lieu.
Vivre pleinement le lieu cible
Je découvre alors ce qu’est une perception totale, intérieure et extérieure. C’est beaucoup, beaucoup plus que de la vision, de l’ouïe et du toucher réunis. À partir d’un moment de la session, tout m’est accessible, tout est vécu pleinement, sans aucun filtre, avec une amplitude et une vitesse fulgurantes. Mon cerveau et mon corps, mes sens et mes gestes, sont en harmonie. Je ressens le lieu, je vis le lieu, et tout ce qui s’y trouve, tout ce qui se passe, maintenant !
Vers la fin de mon exploration intuitive, je sais que si je pose une question, j’aurai la réponse dans l’immédiat et qu’elle sera toujours juste. Je vois – en moi – à 360 degrés, et perçois tout ce que les gens font et pensent. En même temps j’ai très conscience de ma présence dans l’ici et maintenant. Moi en train de noter, de faire des croquis à la vitesse de l’éclair, moi en train de me vivre intensément et de faire un avec le lieu.
Au début de la session, mon premier ressenti important est qu’un flux aqueux me tombe dessus. Comme un cylindre d’eau qui se déverse sur moi. Ma première idée est que je suis dans un évier et que c’est l’eau du robinet qui me tombe dessus. Mais je sais que c’est une interprétation car ce n’est pas la bonne échelle. Je suis trop grand pour être sous un robinet ! Je me reprends et réalise que c’est sûrement une cascade d’eau. Pas très grosse certes, mais une cascade quand même, et l’eau qui me tombe dessus a une certaine puissance. Je n’ai jamais vécu ça dans la réalité (je ne me suis encore jamais retrouvé sous une cascade) mais c’est ce que je ressens. Physiquement. Sauf que ça ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur de mon corps. Je suis traversé par la colonne d’eau.
Cette perception m’arrive en phase 2, celle de l’exploration sensorielle du lieu cible. (La phase 1 est celle de la détection des éléments majeurs composant le lieu : naturels, artificiels, aqueux…) Je commence alors à faire des croquis et bascule en phase 3.
Ce qui me surprend en entrant en phase 3, c’est que je me sens irrésistiblement poussé à faire le croquis du lieu dans sa globalité, d’un seul tenant. Ma main et mon stylo filent à une vitesse fulgurante et je dessine les formes, les éléments présents sur le lieu, tout en étant dans l’urgence d’annoter ce que je peux. Mon ouverture intuitive est tellement forte, cela va tellement vite, que je vois ma main comme si j’étais à la fois acteur et spectateur de ce qu’il se passait. Emporté par le flux intuitif, mon corps et mon esprit fusionnent avec la page de papier et avec le lieu.
J’ai pleinement conscience de ce que je dessine : le flux aqueux qui se déverse, la paroi rocheuse, les arbres, le lac, l’eau qui repart en aval. Le croquis se fait en quelques secondes. En même temps il faut que je continue de noter tout ce que je perçois. Je réalise alors que je suis en hyperconscience ; tout va très vite. À un moment, je perçois au milieu de la cascade un léger plateau horizontal, comme si le flux s’arrêtait puis repartait. Mais j’ai un doute sur cette information. Je refais deux autres croquis, de face puis de profil, et réalise qu’il n’y a pas de plateau. La cascade se déverse de façon rectiligne.
Pour finir, je perçois des gens qui pique-niquent sur place, qui se promènent, et qui nagent. Puis je termine ma session.
Celle-ci a duré une quarantaine de minutes, durée somme toute classique pour une session de phase 3. Mais les 15 dernières minutes sont passées comme s’il n’y en avait eu que 3 ou 4.
Le feedback
Je préviens Paul que j’ai terminé.
Avant le début de la session, Paul avait tiré au sort un lieu cible parmi un lot de plusieurs centaines qu’il utilise pour ses formations. Il tourne vers moi son écran d’ordinateur et je vois : « Cible 431 : Les chutes d’Havasu, Arizona ».
Je réalise que c’est exactement le lieu que je viens de décrire. Tous les éléments y sont : la chute d’eau qui a sculpté la roche, le petit lac en contrebas, l’eau qui repart en aval, les gens qui pique-niquent. Tout est là.
Paul m’explique qu’il connaît bien le lieu et qu’il y a déjà fait du camping. Personnellement, je suis dans un état presque second. J’ai bien décrit et, surtout, vécu ce lieu magique.
Juste après, nous allons à la réception de l’hôtel pour faire des photocopies de la session, puis Paul m’emmène faire un tour dehors afin que je m’aère l’esprit, ce dont j’ai bien besoin. Il me fait faire je ne sais combien de fois le tour de l’hôtel ! Jusqu’à ce que l’envie de redémarrer une nouvelle session me quitte.
Pendant quelques dizaines de minutes, je ressens quelque chose de particulier en haut du crâne, une vibration, comme un cercle d’énergie qui buzze en silence. C’est là que je réalise qu’il s’est sûrement passé quelque chose au niveau de mon cerveau. Peu à peu cette sensation diminue, pour finalement disparaître complètement.
Voilà comment s’est déroulée ma « session de la cascade », comme je l’appelle. Après toutes ces années elle est toujours une de mes préférées. Pas la meilleure, pas la plus aboutie, pas sur la cible la plus complexe, loin de là, mais indéniablement ma madeleine de Remote Viewing. La première fois où, de manière volontaire et contrôlée, seul avec ma feuille et mon stylo, j’ai fait un avec la cible, avec une autre partie de l’univers.
Vous trouverez ci-dessous les feuilles de la session, ainsi que des explications supplémentaires. Bonne découverte !
Les pages de la session
Note : une session de RV a pour objet d’apporter des éléments de réponse à une problématique cible, cette problématique pouvant être un lieu, un événement, une personne… Afin de permettre la pleine mobilisation de son intuition, l’intuitif ne sait rien de la problématique au moment de démarrer sa session pratique ; hormis, ici pour moi, que c’est un lieu.
La méthode utilisée est celle du Controlled Remote Viewing. Elle est issue de recherches scientifiques et d’expérimentations au Stanford Research Institute International et a été rendue publique en 1998. Aujourd’hui, l’équipe d’iRiS la fait continuellement évoluer et en a fait le noyau de sa méthode pour les formations et le consulting en entreprise.
Le but de présenter la session dans son intégralité (ci-dessous) est de montrer la succession des 3 phases fondamentales de la méthode :
Phase 1 : détection des éléments majeures de la cible. Comporte-t-elle principalement de la structure – c’est-à-dire de la construction humaine – et/ou du paysage et/ou de l’eau ?
Phase 2 : exploration sensorielle pour apporter le maximum de descriptions physiques.
Phase 3 : croquis.
Les éléments notés à droite, avec le libellé « AOL Bk » sont des éléments que l’intuitif estime être des interprétations raisonnées – et souvent erronées – de son mental. Il les met donc de côté pour ne pas être pollué. Seule l’intuition compte au moment de la pratique ! À noter toutefois que les interprétations tendent à être de plus en plus justes au fil de la session.
La session étant réalisée en anglais, j’ai fait suivre chaque page d’une traduction et de quelques commentaires.
PI : anxieux. PI = Perturbations Impactantes = les idées qui nous tracassent juste avant la session et que l’on met de côté pour éviter d’être pollué lors de la session.
La courbe (ici en zigzag) est le croquis intuitif qui est produit en début de session. Ce croquis, décodé à l’aide d’une règle simple (une convention préétablie) de la méthode, permet d’en déduire des informations basiques générales sur le lieu, comme par exemple si le lieu comporte de l’eau, du paysage et/ou de la structure. Ici, je décode que le lieu comporte de l’eau et de la structure.
S2 : Passage en phase 2. Description du lieu en n’employant que des adjectifs liés aux 5 sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat).
liquid, black, green, brown, deep : liquide, noir, vert, marron, profond.
Perception d’une forte notion d’eau et de profondeur. Représentation de cette sensation par un petit croquis.
round, hollow, deep, tall : rond, creux, profond, haut. Ces adjectifs se rapportent à l’eau perçue. Impression d’être près d’une grande colonne d’eau « creuse ».
metallic, concrety : métallique, bétonné. Ces adjectifs se rapportent à la structure qui est pensée être perçue à ce moment-là.
rocky, graveled : rocheux, gravillonneux. Je me dit ici que quelque chose de naturel est présent.
whirling : tourbillonnant.
flat, uneven : plat, irrégulier. Se rapporte au paysage : une partie est plate, l’autre non (c’est d’ailleurs ce qu’on voit sur le dessin juste au-dessus).
natural structure : compréhension – enfin ! – que la « structure » est quelque chose de naturel, « construit » par le temps.
stony, layered : pierreux, en couches.
Ensuite, dessins de la forme qu’a l’eau vue de haut et non plus de face. Obtention d’une forme assez ronde avec un renfoncement : l’endroit où tombe l’eau.
grassy, mossy : herbeux, moussu. Se rapporte au terrain, schématisé par des hachures en zigzag autour de cette zone d’eau.
AOL Break : burrow. Mon mental commence ici à produire du raisonnement et à déduire des choses. Il me dit que le lieu serait en rapport avec une sorte de tunnel souterrain naturel. Je mets bien évidemment cette idée de côté, comme me le suggère la méthode.
enclosed, open : enfermé, ouvert.
windy : venteux.
cold, shadowed : froid, ombragé.
AOL Break : someone in a canoe. Image (interprétation mentale) d’une chute d’eau avec quelqu’un qui passe en canoë dessus !
brown : marron.
Dessin de la forme du paysage et perception que l’eau passe par cette dépression au milieu du schéma.
AI Break : there’s a lot of fun here. Avis impactant, c’est-à-dire comment le lieu est subjectivement ressenti à ce moment précis. Sensation d’un lieu très sympa, amusant.
AOL Break : recreation place. Lieu de loisirs.
sunny : ensoleillé.
snowy : neigeux. Perception comme de petits « flocons de pluie ».
PI : loan mower. Alors que tentative de perception de sons, un type avec une tondeuse à gazon passe près de la fenêtre de la salle de session. C’est le jour de tonte de la pelouse de l’hôtel !
AOL Bk : birds. Oiseaux.
AOL Bk : natural water filtering system. Système naturel de filtration d’eau.
« oooww » sound. Perception d’un gros son « oooouuuu » grave qui ne s’arrête pas.
brown, clay : marron, argile.
AOL Bk : a lot of trees. Des arbres.
AOL Bk : vacation camping. Camping de vacances.
dark : sombre.
Dessin rapide du mouvement de l’eau qui passe et chute.
Dessin : dépression par où passe de l’eau. Eau qui tombe. Eau qui ne s’infiltre pas et fait comme une étendue ovale. Petit cours d’eau qui part de l’étendue d’eau ovale.
rocky : paroi rocheuse.
trees (AOL Bk) : arbres.
going down, going through, going deep : descendant, à travers, profondément.
Vérification de la forme générale de l’étendue d’eau qui est en bas.
round : rond.
AOL Bk : cascade and waterfall. Cascade, chute d’eau.
Maintenant que la perception de face est acquise, représentation par croquis de profil.
stepped, abrupt : étagé, abrupt.
dropping, babbling : gouttant, babillant.
AOL Bk: like a small stream. Comme un petit cours d’eau.
Résumé :
La cible est un lieu naturel. Il s’y trouve de l’eau et du paysage. Le paysage est irrégulier et plat aussi. Le site est étagé, abrupt et en niveaux. Il semble qu’il y ait quelque chose de tourbillonnant. Quelque chose de rond. Notions d’enfermé et d’ouvert. Les couleurs sont principalement sombres : noir, marron, vert, rouge. Le site est pierreux et rocheux. Mes deux AOL forts (interprétations probables de ce qu’est le lieu) : cascade, eau tombant dans une grotte.
Ici, me sentant enfermé dans quelque chose (en fait l’intérieur de la colonne d’eau), j’ai un doute sur le fait qu’il s’agisse d’une cascade en extérieur et, pour éviter de me tromper, j’ajoute cette seconde hypothèse : l’eau tomberait non pas dehors mais dans une grotte. Une erreur classique de débutant, une erreur de point de vue en somme.
Crédits photo :
– Illustrations à l’encre de Chine par David Le Bozec
– Photos par Alexis Champion et Paul H. Smith
– Photo par Colin Young – 123RF.com
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